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(5ème volet de notre reportage sur Concorde - La boucle supersonique sur Foxtrot-Alpha)
Reportage réalisé par Bruno SOBEZYK-MOLINA diffusé avec son aimable autorisation, mis en WEB COTATEL SA

Boucle supersonique sur Foxtrot-Alpha F-BVFA du 13 mai 2003                                                  révisé le 22/2/2005

Dès l’arrivée à Roissy-CDG, traitement sur mesure. Parking réservé, formalités réduites au strict minimum, et passage au très confortable Salon Concorde avant l’embarquement. Mais le plus impressionnant reste incontestablement le bar, avec une trentaine de bouteilles de Champagne au garde-à-vous dans les seaux à glace. Le temps d’apprécier quelques coupes de ce noble breuvage, avant de se diriger vers la porte d’embarquement.
L’Oiseau est bien là, toujours aussi magnifique et attendant patiemment. Ses réservoirs ne sont remplis qu’à environ 40 %, tandis que ses soutes n’accueillent aucun bagage pour ce vol. Le gain de poids total est d’environ 30 % par rapport au poids en pleine charge. Cela ne manquera pas de jouer sur les performances…
 

(1) Concorde nous attend

A bord de l’avion, la largeur de la cabine rappelle que Concorde a été taillé pour la très haute vitesse, avec deux rangées de deux sièges seulement, séparées par un unique couloir central, plutôt étroit. La petite taille des hublots confirme qu’à Mach 2, les contraintes aérodynamiques et thermiques imposées à l’avion ne sont pas les mêmes qu’à 930 km/h.
L’aménagement de la cabine, à dominante grise, est de très bon goût. Cet intérieur est beaucoup plus beau que celui des débuts commerciaux de Concorde, en 1976. Cela évoque l’excellente qualité, mais qui sait rester discrète. Les sièges offrent un confort ergonomique assez fabuleux, avec une place aux jambes extrêmement généreuse. Mon siège est le 3D, ce qui me place dans la cabine avant, côté droit et près du hublot. C’est la garantie d’un vol très doux, sans aucune vibration et avec un bruit des réacteurs réduit au minimum. Et cela permettra d’apprécier une vue unique en son genre.
Sur ce même siège, une jolie pochette à mon nom contient du papier courrier, des enveloppes et un stylo, le tout aux armes de Concorde. Mais aussi une brochure consacrée à l’avion, le plan de vol et un diplôme supersonique signé de la main du Commandant de Bord. Tout cela a été remis systématiquement à tous les passagers sur Concorde de 1976 à 2003, chez Air France comme chez British Airways, et faisait partie des attentions portées aux passagers supersoniques.

Départ du Terminal, tiré vers l’arrière avec un tracteur d’aéroport. Les quatre réacteurs Olympus 593 signés Rolls-Royce (post-combustion Snecma) sont mis en route à cet instant, avec un grondement teinté d’un sifflement très suggestif. Cela évoque beaucoup plus l’avion de chasse que le long courrier civil.
Puis l’avion se dirige vers la piste, sous le regard d’employés de l’aéroport et de spectateurs spontanés ; une habitude, pour Concorde, qui restera à jamais le roi des avions.
A l’entrée de la piste, quelques secondes d’attente seulement permettent au Commandant de Bord d’obtenir l’autorisation de décollage. A pleine charge, Concorde décolle à 360 km/h en 30 secondes et sur 1500 mètres, ce qui renvoie déja n’importe quel Boeing ou Airbus au rang d’escargot ankylosé. Mais avec 30 % de poids total en moins, Foxtrot-Alpha nous gratifie ce jour-là d’un décollage… inoubliable ! Quand à l’entrée de la piste les réacteurs se mettent à hurler, post-combustion allumée en grand, chacun se retrouve écrasé dans son siège, sous l’effet d’une accélération monstrueuse : au lieu du temps habituel, l’Oiseau décolle à 400 km/h atteints en… 21 secondes !!!!!! Cela représente environ 4 G dans la figure. Pas besoin de combinaison spéciale pour ça, mais on le sent passer… FA – BU – LEUX !!!!!! Et le plus fort, c’est que le meilleur est encore à venir. Peu après le décollage, les trains d’atterrissage regagnent leur logement et la post-combustion est éteinte. Pendant la montée, l’impression majeure est d’être installé à bord d’une fusée, sous l’effet de la poussée infernale des quatre réacteurs. Les 10 000 mètres d’altitude sont atteints en mois de quatre minutes, tandis que l’avion est déja à la verticale du Havre douze minutes après le décollage. Puis la Manche. Au point de navigation Tesgo, à mi-chemin entre Cherbourg et Portsmouth, l’Oiseau continue à monter en altitude à un train d’enfer et atteint vite Mach 0,93. Chaque passager peut suivre l’évolution de la vitesse grâce aux afficheurs digitaux disposés dans les deux cabines.
 

La post-combustion est alors rallumée, ainsi débute l’accélération transsonique. Entre Mach 0,99 et Mach 1,00 deux très légères secousses se font sentir, à moins d’une seconde d’intervalle et sans le moindre bruit… à bord de l’avion. En Concorde, le Mur du Son est franchi dans un fauteuil. Seuls les pêcheurs sur la Manche ont droit au double Bang ! caractéristique.
La post-combustion reste allumée en grand, et vers Mach 1,30 l’accélération se fait de nouveau fortement sentir. D’autant plus impressionnant, compte tenu de la vitesse déja atteinte par l’avion. Elle est éteinte à Mach 1,70 tandis que l’Oiseau atteint le point de navigation Akelo, à mi-chemin entre la Cornouaille et la Bretagne. L’avion, porté par son élan et ses quatre réacteurs, et allégé du carburant déja consommé, continue à prendre de l’altitude et atteint Mach 2,00 dans une douceur totale. Miracle de l’ingénierie du Concorde… L’Oiseau atteint même Mach 2,04 pendant quelques secondes, avant de se stabiliser à Mach 2,02 sa vitesse de croisière. L’avion vole alors en stratosphère, à 55 000 pieds/18 000 mètres, son altitude de croisière. A cette altitude, l’air raréfié et plus froid (- 60 degrés) permet de limiter l’échauffement extérieur du fuselage et de la voilure, lié à l’énergie cinétique générée par le frottement de l’air. Mais même ainsi, la température atteinte par la peau de l’avion est de 120 degrés…

Détail qui en dit long, l’intérieur du hublot est bien chaud. Sous l’effet de la chaleur, la cellule de l’avion se dilate et sa longueur totale augmente d’environ 25 centimètres par rapport à sa longueur au sol. Au cours des différentes phases du vol (montée, accélération transsonique, croisière supersonique, décélération transsonique et redescente), l’avion nécessite un rééquilibrage permanent, assuré par la modification de la répartition du kérosène dans ses réservoirs, sous la houlette de l’Officier Mécanicien Navigant. C’est une des nombreuses particularités de Concorde préalablement mises au point dans un cadre strictement militaire, sur avions de chasse et bombardiers.

A Mach 2,02 et à 18 000 mètres d’altitude, les conditions de vol confinent à la perfection. La voilure en aile delta de type gothique et incurvée vers le bas procure la sensation bien physique et extrêmement agréable de surfer sur l’air. Le spectacle de la courbure de la Terre, du ciel violacé et des nuages flottant sur l’Atlantique, mais aussi l’extrême douceur de vol (à cette altitude, il n’y a pas de turbulences) et le sifflement un peu irréel des réacteurs permettent d’apprécier la stratosphère à Mach 2 comme dans un rêve. En plus du vol à bord d’un avion mythique, cela tient du cadeau des dieux. Le Champagne toujours servi en plein vol ne gâche rien, tandis que les gourmets peuvent apprécier un repas d’excellente facture. Seule note légèrement discordante, une très inattendue odeur de kérosène parcourt la cabine pendant quelques secondes. Cela s’explique par la pressurisation ultra puissante de la cabine, qui fonctionne au kérosène.
Quelques instants passés dans le poste de pilotage au cours du vol permettent d’apprécier un spectacle que tous les lavages de cerveau n’effaceront jamais : bleu devant, bleu au dessus, bleu au dessous, bleu sur les côtés… bleu partout ! Photos non autorisées, dommage. Dans le poste, l’équipage est composé de trois ingénieurs silencieux et entièrement absorbés par leurs outils de navigation, plan de route et armoires à instruments. Le Concorde n’a décidément rien d’un Boeing ou d’un Airbus archi automatisé…

Puis demi-tour au dessus de l’Atlantique et retour sur Roissy-CDG, par le Cotentin et l’Oise. Environ 2000 kilomètres parcourus en une heure et demi, dont vingt minutes à Mach 2. L’atterrissage est un peu rude, comme sur tous les avions au nez très long. Les pilotes d’avions de chasse en savent quelque chose.
Même avec le nez incliné à 12 degrés et la visière abaissée, la piste n’est pas si visible car l’avion est très cabré, à cause du coussin d’air naturel formé par sa voilure en delta.

F-BVFA à l'atterrissage à CDG, 13 mai 2003 cliché Philippe Noret (source Airliners.net)

 

En revanche, ce même coussin d’air garantit une dernière phase de l’approche de la piste beaucoup plus aisée que sur n’importe quel avion doté d’une voilure en flèche.

Alors ? Concorde est un avion de chasse très grand et incroyablement puissant, extrêmement rapide, sans armements et avec passagers, affichant une esthétique fabuleuse et un confort remarquable. Mach 2 en costume léger bleu marine, dans un fauteuil et coupe de Champagne à la main, cela s’apprécie… Retenons que cet avion aura permis au commun des mortels de franchir le Mur du Son et d’évoluer en stratosphère à deux fois la vitesse du son, et ce sans le moindre équipement spécial ni brevet de pilote. Huitième merveille du monde ? Probable…

Chaleureux remerciements à Roland Demeester, Commandant de Bord, à Michel Tronche, Officier Pilote, et à Rémi Pivet, Officier Mécanicien Navigant. Mais aussi à Stéphane et à l’ensemble des hôtesses et stewards, six au total. Leur service à toutes et à tous est à l’image de l’avion avec lequel ils ont travaillé : idéal.

Bruno Sobezyk-Molina 

Vous pouvez me faire parvenir vos impressions ici concorde_fbvfa@postmaster.co.uk

Suite - l'histoire complète de Fox-Alpha c'est ici (6ème volet de l'histoire de concorde)
 
Pour s'amuser

Un bon film sur le 747 en péril!

PLUS D'INFOS    La Vidéo est disponible ici : Un beau livre: et le livre d'André Turcat

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